L’Histoire moldue enseigne à ses enfants, comme un évènement fondateur de la liberté et de l’égalité humaine, l’abolition (en Europe puis plus difficilement aux Etats-Unis) de l’esclavage. Ce qu’on ignore plus, c’est son rôle dans le monde magique.
En effet, la plupart des sorciers se désintéressaient de cette « affaire moldue », connaissant mal l’Afrique et ses habitants. Mais certains d’entre eux en faisaient une activité très lucrative, usant de leurs pouvoirs pour capturer facilement de gros lots d’esclaves et les vendre à prix d’or ; convertissant ensuite l’argent moldu en Gallions sonnants et trébuchants. Ce n’était pas particulièrement réprouvé, ni encouragé : c’était à cette époque une activité comme une autre.

Mais vint le jour où, parmi ce trafic de chair humaine, et particulièrement chez certains enfants, quelques dons magiques furent repérés. Immédiatement, la communauté des sorciers se considéra comme tenue de prendre position, et se divisa : d’un côté, ceux qui déclaraient que les Africains étaient des frères en sorcellerie et qu’il fallait les libérer puis les intégrer, de l’autre ceux qui voulaient continuer à s’enrichir, rejoints par les idéologues persuadés de la supériorité des Sang-Pur, et clamant que la « race des esclaves » apporterait une magie pervertie. Chacune des deux opinions rencontrait beaucoup d’échos – la question fit l’objet de multiples débats et confrontations politiques. Le débat le plus célèbre, en haut lieu, resta dans les Mémoires comme « Le Débat de la Rose Noire » : en effet, il fut marqué par un discours esclavagiste enflammé, prononcé par le célèbre Atreus Malefoy et conclu par les mots : « Cette race inférieure ne peut se fondre dans notre race britannique. Sa magie est et restera des plus impures : elle est d’émergence récente, née dans les babillages de Moldus soi-disant chamanes. A-t-on jamais vu une rose noire ? » Le symbole avait une double signification : il manifestait l’inadéquation de la couleur noire, dénigrée dans un racisme évident, avec la Rose, emblème national de l’Angleterre.

Cette diatribe, politiquement très habile, impressionna et attira l’opinion de plusieurs sorciers. Les plus acharnés se groupèrent derrière Atreus pour former l’organisation de la Rose Noire, d’après les dernières lignes du fameux discours (il s’agissait d’une ellipse, étant donné que ce groupe, loin de la défendre, méprisait la possibilité d’une rose noire). Ils organisèrent lobbys, discussions, partis extrémistes… Et sur un autre plan, attentats, discriminations, trafics… Parfois revendiqués, parfois non. Ce fut le début d’une période sinistre. Dans le domaine politique, l’opinion commençait à prévaloir à l’aide de la Terreur et de la lâcheté intellectuelle des partis adverses, qui, souvent formés dans un élan d’enthousiasme, commençaient à se dissoudre et à se désintéresser de la question maintenant que d’autres problèmes occupaient l’actualité. Seuls les plus fervents défenseurs de la liberté continuaient à mener le combat. Concrètement, ils escortaient des convois, et organisaient la défense des « viviers africains ». Non pas contre les esclavagistes Moldus, mais plutôt la protection des talents magiques potentiels contre les sorciers de la Rose Noire.

Mais les attentats, ne rencontrant pas d’opposition d’Etat très consistante, s’exaltèrent et devinrent de plus en plus sauvages. Et ce qui devait arriver arriva : un jour, un des rares Noirs ayant fait son chemin et au sommet d’une brillante carrière, Duncan Flaynes (nom anglais d’adoption), à un des postes-clés de la Gazette du Sorcier, fut attaqué. Mais il défendit chèrement sa peau, et tua Atreus Malefoy avant de réussir à s’échapper. Il révéla le scandale, qui prit également une dimension juridique. C’était l’occasion de voir si la Justice Magique prendrait parti ; si elle considèrerait l’affaire indépendamment des couleurs de peau et de l’influence de Malefoy, de façon neutre, ou si elle accablerait Flaynes. Mais l’appareil de l’Etat était bien embarrassé : le Ministère ne comptait pas appuyer un parti ou l’autre de manière officielle. Aussi, à ce que l’on soupçonne, donna-t-on le champ libre à certains partisans de la Rose Noire qui prirent vengeance eux-mêmes avant le procès.

Comme par une coïncidence malsaine, les tombes des deux antagonistes étaient placées juste à côté. Cette affaire arrosée de sang et de haine trouvait ici son ultime manifestation. Beaucoup pensèrent que les morts, au lieu de calmer le jeu, allaient attiser les passions et faire reprendre l’affrontement de plus belle, menant à une véritable guerre civile. Et c’est probablement ce qui ce serait passé, sans l’évènement totalement inattendu et imprévisible qui se produisit peu après.

Un matin, une rose noire fut découverte. Elle avait fleuri entre les deux tombes.
Ce fait eut un impact considérable, et bouleversa complètement le pays. Des enquêteurs-sorciers, et des botanistes compétents, furent envoyés sur les lieux pour déterminer l’affaire. Ils furent formels : la rose était naturelle, il n’y avait pas de fraude. Ce fut l’élément qui suscita l’émotion et emporta la décision en faveur du camp anti-esclavagiste. La Rose Noire fut dissoute. Ainsi fut abolie cette pratique dans le monde des sorciers britanniques. A ce jour, on ne connaît toujours pas l’origine de la rose, et personne ne l’a jamais connue. Personne… A part peut-être le jeune fils de Flaynes, un enfant métis dont la magie incontrôlée, pure, se manifesta involontairement, comme toutes les autres, pour la première fois dans des circonstances inconnues ?